On ne parle pas sans émotion du travail de la mine !
Sans doute parce que le vieux mineur garde un attachement profond à "sa mine" et en parle avec nostalgie, comme s'il regrettait, malgré les souffrances, ces heures laborieuses, ponctuées par le bruit des pics, le raclement des pelles et le grincement des poulies dans les chevalements ...
Lavaveix-les-Mines connait la prospérité, dans cette seconde moitié du 19ème siècle, début du 20ème, où l'on vit de la mine et où les jeunes hommes ont le choix de rester au pays. Vers 1876, la Cie des Houillères emploie 2 000 mineurs ; en 1927, il n'en reste que 500. Les effectifs décroissent au fur et à mesure du développement des autres bassins houillers et des nouvelles énergies : pétrole et gaz.
De tous temps et en tous lieux, les mineurs symbolisent les grandes luttes ouvrières. Ils sont sans doute parmi les premiers à s'organiser pour obtenir de meilleures conditions de travail. Nul besoin de réécrire Germinal, tous ceux qui vivent -ou ont vécu- dans les cités minières, en France et ailleurs, gardent le souvenir de ces grands défilés de mineurs, le pic sur l'épaule et la lampe à la main ...
Lavaveix-les-Mines a vécu ces grands élans de protestation, des grèves aussi dures que l'étaient ces hommes, soudés par une vie à part, dans un monde souterrain soumis à ses propres règles, et où la vie des uns dépend de la compétence et de la vigilance des autres. Les archives de la Cie des Houillères gardent la trace de ces conflits. L'année 1876, par exemple, fut une mauvaise année : à cause des grèves, la production a baissé alors qu'on a dû faire appel à la troupe ; ses frais de séjour ont coûté à la Cie 2428.20 F de l'époque !
Les mineurs ont payé un lourd tribut à l'industrialisation : les accidents, nombreux, étaient presque toujours mortels pour "ceux du fond" pris sous les éboulements. Les grèves ont permis d'améliorer les conditions de travail et la sécurité. Elles ont émaillé l'histoire de la Cie des Houillères.
Le métier de mineur, c'est un ensemble de spécialités nécessaires au fonctionnement de la cité minière. Un mineur peut accomplir plusieurs tâches en fonction des besoins. Par exemple, on peut affecter un piqueur au boisage des galeries en cas de nécessité. Mais pour en parler, il faudrait aussi décrire le danger permanent, l'inconfort lié au manque d'air frais qui rend l'effort physique pénible et harassant, la quasi-obscurité, la chaleur et l'humidité, les postures de travail douloureuses : la faible épaisseur des couches de charbon impose souvent de travailler accroupi, courbé, voire couché, le port de lourdes charges, notamment pour les femmes affectées au triage, l'essentiel de l'activité étant manuelle ...
Les plus nombreux sont au fond : les 2/3 environ des employés. Ils sont responsables de l'abattage et de l'extraction.
- Les piqueurs (environ 60 %) sont placés sous la responsabilité des ingénieurs. Ce sont les mieux payés. Les blocs de houille sont prédécoupés au rivelaine, sorte de pic à deux pointes, et arrachés au pic. C'est seulement en 1922 que l'installation de l'air comprimé permet l'arrachage au marteau piqueur. Les mineurs sont aussi chargés du contrôle de qualité. Ils doivent veiller à ne pas laisser remonter trop de rocher.
- Les boiseurs (environ 25 %) sont responsables du maintien du toit des galeries et de toutes les voies de circulation. Ils sont parfois chargés du découpage et de l'écorcage des troncs d'arbres ainsi que du choix des essences en fonction des travaux à réaliser (par exemple, le chêne est réservé aux travaux durables). On les nomme alors "bûcherons".
- les chargeurs, rouleurs et manoeuvres (environ 10 %) sont responsables du chargement et du convoyage des bennes vers la surface. On emploie également le terme de frinteurs -ou freinteurs- pour désigner les mineurs chargés de tracter les bennes à l'aide de treuils et de poulies pour franchir les plans inclinés. On trouve aussi le terme accrocheurs quand on évoque les mineurs responsables de l'accrochage des bennes. (une benne contient environ 360 kgs de houille)
- les autres catégories (5 %) comprennent les personnels responsables du pompage de l'eau des galeries, surnommés les pompiers ou pompeurs, les palefreniers qui s'occupent des chevaux, les encageurs chargés de la manoeuvre des cages du puits principal.
Au jour, on trouve également un ensemble de spécialistes (1/3 des employés) :
- le receveur chargé de réceptionner les bennes.
- le chauffeur -ou machiniste- qui s'occupe de la machine à vapeur, accompagné d'un manoeuvre appelé "enleveur de cendres" chargé d'évacuer les cendres à l'aide d'une benne spécifique, qui se vide par le côté, surnommée une "girafe"
Le plus grand nombre est employé au triage et au lavage du charbon, quelques uns s'occupent de l'agglomération en boulets pour le chauffage ou en briquettes pour les locomatives à vapeur.
Beaucoup de femmes sont employées au triage. A l'aide d'un petit marteau, elles débarrassent le charbon des schistes avant le calibrage. On les surnomme "les modistes". On a coutume de dire qu'il s'agit d'une référence à leur coiffure : certaines portent des chapeaux posés au dessus d'une coiffe en coton pour protéger leurs cheveux.
Il s'agit plus vraisemblablement d'une référence à leur fonction. "Modiste" vient du latin "modus" qui signifie "mesure imposée aux choses". Elles étaient chargées de calibrer le charbon avant commercialisation. On parle de "gros 1er", "gros 2ème", "gaillette", "menu", "tout venant", "déchet".
Elles utilisent une sorte de corbeille à deux anses dont le nom technique est "banaston". On utilise plus volontiers le terme "panière". Mais on trouve au triage des manoeuvres appelés "porteurs de banastons".
Sur la photo ci-dessus, Yaya pose parmi les modistes entre sa maman et sa tante.
Cette carte postale montre les modistes du puits St-Antoine. Auprès d'elles beaucoup d'enfants. Les apprentis mineurs étaient nombreux au triage. Contrairement à ce que laisse supposer le nom de baptème de l'ancien groupe scolaire, on ne les appelait pas "galibots", mais garçons ou grands garçons pour les plus âgés.
Aux côtés de ceux qui s'occupent du charbon, on trouve les ouvriers occupés aux ateliers, dont des forgerons, chargés de réparer outils, bennes.
Ils sont parfois obligés de descendre au fond pour réparer les wagonnets en panne dans les galeries.
L'extrait du rapport Grüner ci-dessous nous donne la situation du bassin d'Ahun au 1er trimestre 1866 :
On mesurait la rentabilité de chaque employé.