Petite, j'aimais beaucoup rendre visite à mes grands parents. Nous habitions à St-Antoine, et eux en face du lavoir, route de la Gare. J'avais le choix entre deux itinéraires : soit en bas par le Communal, soit par le carreau de la mine. Ma mère m'accompagnait un bout de chemin ... mon préféré passait devant le Central ! Un tout petit pont, où il fallait se baisser, traversait la butte, pour arriver sur un sentier débouchant sur l'arrière du château de la mine, à côté de la maison du jardinier ...
à droite les vestiges du puits, à gauche le grand bureau, encore plus à gauche, c'était le bureau de la D34. Mais moi, je devais aller droit devant, vers les Diesels,
prendre à droite pour sortir vers le passage à niveau ... Ma mère n'allait pas plus loin. Elle attendait que je sois sur la rue du Centre en criant ses habituelles recommandations "sois prudente ! fais attention et ne reviens pas trop tard !" Alors, vite, je remontais le bout de rue jusqu'à l'école, et, de là, j'apercevais déjà la maison où logeaient Pépé et Mémé Dodo ...
C'étaient une vieille et grande maison, avec beaucoup d'occupants : au rez-de-chaussée, 3 logements ; autant au 1er étage, en passant sur l'arrière (on peut la voir encore mais transformée en garages).
Pépé Dodo m'attendait vers le lavoir et notre petit rituel commençait ! Il avait de gros sabots noirs sur lesquels je grimpais, me cramponnant à sa veste, et j'arrivais, en marche arrière, prenant bien soin de lever mes pieds en même temps que les siens, jusqu'à la porte où Mémé Dodo guettait en riant notre curieux attelage ! Elle me préparait toujours une surprise : un tricot, des gâteaux, des petits fruits ... comme toutes les mémés du monde !
Mais moi, ce que j'attendais, ce qui me captivait, un vrai spectacle à nul autre pareil, c'était la sortie des mineurs !! Il faut dire que cette maison occupait là une place privilégiée : à son pignon du fond, une grande et imposante barrière en ferraille, la séparait d'un immense pré de la mine avec une descenderie du puits Robert "la mine Marchand", à faible distance de nous. Pépé guettait et m'appelait ... vite ! vite ! je grimpais sur la barrière et mes yeux n'étaient pas assez grands pour les voir sortir de terre, tout noirs, "chamoisés" disait mémé ! Une partie venait à la barrière : ceux qui allaient un peu plus loin, route de la Gare. Les autres, plus nombreux, vers les casernes, Verrerie, Route de Bourlat, Faubourg, etc ... traversaient le pré en direction du pont, empruntant "les sautadous". Je les connaissais tous ... eux aussi ... ils me disaient "cramponne toi bien" en ouvrant la barrière, et hop ! c'était parti pour un petit tour ! Je les revois si bien : Clovis, Henri, les 3 Raymond, Roger, Maurice, Le Grand Bouine, Louis et Lucien, Gabriel, Abel, Jean, Charlot, les Polonais, .....
Après cet intermède et le quatre-heures, je repartais, accompagnée cette fois par pépé, jusqu'au Communal
et je rentrais par là, contente de mon après-midi !
Je me revois aussi, plus petite, aller avec ma mère porter la musette à mon père à la mine Marchand. On descendait un peu ... sur la droite il y avait une chaîne et une cloche. On me portait, et je sonnais de toutes mes forces ... une cage montait et un mineur prenait toutes les musettes. C'était noir, mouillé, inquiétant ... je ressortais bien vite, de toute la vitesse possible de mes petites jambes ... malgré tout, je n'aurais manqué celà pour rien au monde ! peut-être parce que, dans mon idée d'enfant, je savais mon père au fond de ce trou ... mon affection me faisait dépasser ma peur !
Minnie.
dans la maison d'enfance de Balsamine