Le métier de mineur et le jardinage n'étaient pas les seuls à endommager le dos des hommes ; les lessives au lavoir ou à la rivière, travail harassant, abimaient le dos et les mains des femmes.
A ma connaissance, il existe deux lavoirs à Lavaveix-les-Mines :
Le lavoir de la Verrerie, déjà intégré au paysage bien avant 1930, se situe sur la route du cimetière, en cul-de-sac d'un petit chemin autrefois bordé de maisonnettes .... aujourd'hui propriété privée. (Un grand merci à Laurent qui nous a autorisés à prendre des photos )
Le voici, tel qu'il se présente aujourd'hui
Ce lavoir est alimenté en eau par un ruisseau qui longe la forêt et les prés du raccourci qui conduit à St-Pardoux-les-Cards. La source doit toujours se trouver aux alentours de ce village. Cette eau limpide alimentait un réservoir cylindrique, remplissait le lavoir accolé, traversait un pré par des canalisations souterraines pour inonder le lavoir route de la Gare ....
et l'eau continuait sa course ...
Ces différents lavoirs étaient aménagés de façon à laver le linge en position debout ou à genoux. Ils font partie du contexte minier de Lavaveix-les-Mines. Patrimoine local, ils auraient leur place sur le site "Lavoirs de France" ...

Je revois très bien les femmes du quartier, toutes apparentées à un mineur, se rendant au bassin public de la Verrerie, non seulement avec le linge, mais avec tout un matériel : panière en osier, lessiveuse, brosse de chiendent *, savon, lessive, baquet et battoirs*, vieux journaux, bois, briquet ou allumettes ... le tout transporté sur une brouette ou une petite carriole à bras en bois, de fabrication "maison".
Voici une carte postale ancienne qui montre quelques laveuses au travail, au ruisseau de Saint-Pardoux.

Quand les laveuses, lavandières ou blanchisseuses (quelques femmes en avaient fait leur profession) arrivaient autour de ce lavoir, par chaleur ou grand froid, elles déballaient tout cet attirail pour faire une lessive "plus blanc que blanc". Bien souvent, elles réunissaient les quelques pierres ou briques qu'elles trouvaient de ci de là pour fabriquer un foyer, préparaient et allumaient un feu, mettaient la lessiveuse en zinc galvanisé remplie de draps, nappes, serviettes, torchons, mouchoirs, etc ... Le tout entrait dans une ébullition d'eau et de lessive ! l'eau bouillante servait, après trempage, au décrassage des vêtements de travail des mineurs.
Aucune végétation particulière n'ombrageait ce lavoir de la Verrerie. Lorsque le soleil dardait tous ses rayons, la peau devenait brune malgré le chapeau de paille !
Le lavoir situé route de la Gare est très bien conservé. Il a l'avantage d'être couvert,

il possède, de part et d'autre une rangée de pierres taillées pour servir de foyer et poser la lessiveuse.

Sans perdre de temps, ces courageuses femmes déployaient toute leur énergie pour déballer les paquets de linge et s'agenouillaient dans leur baquet. Souvent, un vieux chiffon dans le fond protégeait leurs genoux. Quand elles ne possédaient pas ce baquet, une bonne poignée d'herbes ou un vêtement en attente de lavage, posé à même le sol, faisait office de protection pour ces "pauvres" genoux ...
Pendant toute la lessive, le papotage allait bon train, au rythme des battoirs ! toutes les nouvelles du village étaient relatées autour de ces lieux de labeur. Le temps passait plus vite ! Le travail paraissait moins pénible ! Au milieu de tout ce feu d'artifice de langage imagé, de rires, de moqueries, le linge était vigoureusement savonné, brossé, tapé, rincé, tordu, même séché lorsque le soleil était de la partie et que la lessive risquait de durer longtemps ...
Dans le froid rigoureux, les doigts engourdis et rougis par l'eau glacée souffraient de l'onglée et d'engelures. Courbé par le lavage et sollicité pour soulever les charges pesantes du linge gorgé d'eau, le dos grinçait de douleur, été comme hiver ...
Parfois, pour cause de sècheresse, l'eau manquait à la fontaine près des écoles. C'est à la citerne du lavoir qu'on allait alors puiser journellement l'eau nécessaire. Lorsque la pénurie s'installait, il fallait prendre la décision de se rendre à la rivière pour faire la lessive !
Avec ma grand-mère, nous partions le matin, "à la fraîche", sa carriole chargée de linge et de tout ce qu'il fallait pour le laver, mais aussi du casse-croûte ... toute une journée au bord de la rivière, avec un long parcours pour y arriver ! Notre trajet passait par Saint-Antoine, sentier "villa des chouettes", un bout à bout de petits chemins pour traverser la route nationale et continuer encore ... en vue du Pont de Saint-Martial-le-Mont ...
là, il fallait longer la rivière et les prés, en roulant toujours le chariot, trouver le coin protégé par un ombrage, avec assez d'eau et une pierre adaptée pour frotter, brosser le linge ...

et la lessive pouvait commencer ! J'aidais un peu au lavage du petit linge ... mais ma joie était de marcher dans l'eau fraîche, en faisant attention de ne pas tomber ... car les pierres étaient glissantes. J'attrapais de petis alevins qui me filaient entre les doigts. J'aimais sentir sous mes pieds la douceur des longues chevelures vertes des plantes aquatiques ...
Au fil de l'eau, la lessive s'avançait ... ma grand-mère commençait à l'étendre sur la haie ... en prenant garde aux vaches ... dans un pré en bordure de rivière, le repas de ces dames est servi boisson comprise ! Le linge pourrait leur servir de dessert !
Le long des rives, nous apercevions quelques pêcheurs ... loisir que les mineurs appréciaient, histoire d'oublier le noir-obscur des profondeurs minières !
Le moment du pique-nique ... frugal mais agréablement accompagné par le concert de l'eau sur les pierres ... et c'était reparti ! La lessive continuait ... jusqu'au déclin du soleil au-dessus des arbres ... l'air un peu moins chaud ... la lessive terminée, le tout plié, rangé, nous pouvions repartir ... sur la route, ma grand-mère me laissait grimper dans la carriole pour reposer mes petites jambes ... Quelle longue et pénible journée, surtout pour mon aïeule !
Ces quelques lignes, en hommage à ces femmes de mineurs, avec tout le respect que je leur dois, pour entendre encore leurs éclats de rire autour du lavoir ... je me permets, avec une petite pointe d'humour, d'écrire, qu'après pareille journée ... elles devaient être ... lessivées !
Etamine
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... Minette nous offre un voyage au centre de la terre