Charles MICHAUD ...
condamné pour délit .... de sale mine
Difficile de ne pas évoquer son histoire, dans ce chapitre ... Injustement comdamné au bagne à perpétuité, victime de la rumeur publique, broyé par le système judiciaire implacable de la 3ème République qui voulait "débarrasser la Métropole" de ses criminels et délinquants pour "coloniser" la Guyanne Française.
 

 
En 1893, Lavaveix-les-Mines vit l'apogée de son histoire : 1 100 mineurs, 4 000 habitants venus de tous horizons ... Les conditions de vie sont difficiles ; misère et insécurité font partie du quotidien.
Tout près de là, à Mornat, vit le père Tixier, un rentier prospère qui parle volontiers de ses biens et des 6 000 Francs d'économies gardées chez lui. Un petit  pactole ! à l'époque, une benne de 110 kgs de charbon est payée de 30 à 45 centimes ... Son imprudence va lui coûter la vie ! Le crime a lieu une nuit d'août ... il est sauvagement assommé à coups de marteau et égorgé. De l'argent, aucune trace ...
Les soupçons se portent très vite sur  Michaud. C'est un solide gaillard de 28 ans, de taille moyenne et de forte corpulence. Ouvrier agricole,  mineur à Lavaveix-les-Mines jusqu'en 1892, il dérange par ses manières de mauvais garçon, ses tatouages et son caractère rude.
Quelques mois auparavant, il avait eu maille à partir avec le père Tixier pour une sombre histoire de chien et de fouine qui lui valut un mois de prison ferme et une forte amende !
Voilà le coupable tout désigné ! il est appréhendé par les gendarmes qui arrêtent en même temps sa femme et sa belle-mère ... La jeune femme est mise hors de cause, mais les deux autres sont incarcérés  à la prison de Guéret.
Le procès s'ouvre le 12 janvier 1894 devant une salle archi-comble. Les débats sont longs, difficiles et houleux. 32 témoins défilent à la barre ... les témoignages sont accablants. Dans son box, Michaud clame son innocence, s'agite et se révolte ; sa vie est passée au crible, ses moindres paroles et faits et gestes des jours précédents commentés ... une vieille voisine vient raconter l'avoir vu, un jour, aiguiser un grand couteau ; il lui a dit "c'est pour vous couper le cou !" simple boutade, qui se retourne contre lui.
Le procès va durer 3 jours. Le réquisitoire du Procureur de la République est impitoyable : il réclame la peine de mort ! Michaud échappe à l'échafaud à deux voix près ... mais est condamné aux travaux forcés à perpétuité, après seulement une demi-heure de délibérations.  Sa belle-mère est acquittée.
Il se pourvoit en cassation et reste, en attendant,  incarcéré à la prison de Guéret.
Se voyant perdu, il va tenter une évasion peu banale : au piquefeu !
Un grand poêle à bois sert à chauffer les cellules. Avisant le piquefeu rougi et la porte en bois, il a l'idée de percer des trous autour de la serrure avec la complicité de ses deux compagnons de cellule  ... cela lui prend plusieurs jours ! dans l'intervalle, les trous sont dissimulés par de la mie de pain ... Les trois compères s'évadent par la porte et réussissent à franchir le mur d'enceinte, haut de 8 mètres, en utilisant les bancs de la cour ... La cavale dure trois jours. Michaud est repris à St-Pardoux-les-Cards, reconnu par un ancien conseiller municipal ... on dit qu'il voulait revoir ses parents et les assurer de son innocence ...

La Cour de Cassation confirme la sentence ... et Michaud, les chaînes aux pieds, rejoint les bagnards de St-Laurent-du-Maroni.

La Martinière était l'un des bâteaux qui transportaient les bagnards depuis St-Martin-de Ré. La traversée durait 14 jours. Ils voyageaient à fond de cale ; les plus dangereux enfermés dans des cages.


Une vue du bagne : une rangée de cellules
Il serait sans doute mort au bagne sans l'amitié du secrétaire de Mairie, Berthier, convaincu de son innocence. Avec un journaliste du "Petit journal", domicilié à Cressat,  il part en campagne contre cette erreur judiciaire ... Il recueille le moignage d'un maraudeur notoire, occupé à piller le poulailler du père Tixier le soir du drame ... il a vu l'assassin mais n'a pas témoigné par peur des représailles !  Le vrai coupable finit par avouer son crime sur son lit de mort.  Michaud est gracié le 24/03/1910 par un décret du Président de la République.
Libéré, Michaud rentre au pays le 3/04/1910, acclamé par des centaines de personnes à sa descente du train, au cri de "vive Michaud". L'homme, vieilli et amaigri par 17 ans de bagne, est méconnaissable !
 
Le procès en révision a lieu à Bourges en juillet 1911. La plaidoirie de son nouvel avocat, Me Hesse, soulève  l'enthousiasme de la salle ... Le Président, qui ne peut rétablir le silence, fait évacuer la salle par les soldats, baïonnette au canon ! Après une heure de délibérations, Michaud est acquitté. Il reçoit une indemnité de 30 000 Francs.
C'est à Lavaveix-les-Mines qu'il choisit d'acheter une maison, Quartier de la Gare. On décrit un homme taciturne, qui ne parle jamais du bagne. Usé par ses 17 années de travaux forcés, il ne trouve pas d'emploi et fait quelques journées ici ou là. Il meurt dans la misère le 3/11/1942.
Sa dernière demeure au cimetière est tout un symbole ! une concession perpétuelle ..... à l'abandon, qu'il pourrait bien devoir quitter ..... 

 



 
 
Le symbole de l'oubli ! 
 
 
 



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